Bab Agnaou dans les écrits d’André Chevrillon
Marrakech dans les palmes
Marrakech, Avril 1913
Celle du fond, qui perce la courtine de Marrakech, c’est Bab-er-Rob, L’une des poternes qui jalonnent l’enceinte de la ville : sa voûte obscure donne sur les vides et les mirages de la plaine. À gauche, à l’entrée du quartier chérifien, l’autre arche, Bab-Agnaou, que construisirent, dit-on, des esclaves portugais, est bien différente. Je m’y arrête chaque fois. Sans doute, elle n’a pas la masse, l’archaïque gravité des grandes ogives outrepassées que les Merinides, à Rabat, taillèrent et ciselèrent en pleins blocs de grès rouge. Mais c’est le même mouvement d’âme qui se traduit en toutes ces puissantes portes musulmanes. Pour la grandeur de style, pour l’altière simplicité d’accueil, celle-ci, pourtant si différente, m’évoquait la Porte des Victoires, haut dressée sur sa nappe de degrés, à Fuhtepore-Sikri, dans l’Inde des Mongols, à l’autre bout de l’Islam. Au milieu d’une enceinte militaire, un tel décor surgit comme une fusée de fanfares, comme une religieuse et guerrière acclamation pour l’entrée d’un triomphateur.