Marrakech
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Célébrations de la fête du trône de sa Majesté Mohammed V en 1934, racontées par Marc de Mazières

Promenade à Marrakech

Marrakech, 1934 23 novembre 1934. – Quel est ce grouillement de foule blanche au pied de la tour de la koutoubia ? foule concentrée, grossie rapidement de points blancs qui semblent glisser sur le sol. Nous nous mêlons à elle, car de suite nous avons su que Sidna, pour commémorer la fête de son accession au trône, allait entrer dans Marrakech en cortège traditionnel; et présidera la prière dans la grande salle de la mosquée de Koutoubia. Tout le long du couloir que suivra le CORTEGE DU SULTAN, entre le jardin d’orangers et le mur de clôture du Dar Moulay Ali, sont alignées, serrées, pressées, formant un long ruban blanc, les femmes voilées. On entend la musique, clairons, fifres et tambours et les cuivres bruyants; le cortège arrive et la bousculade reprend encore plus fortement, car il faut défendre sa place. Voici les cavaliers, la fanfare particulière du Sultan, les notables à cheval et, dominant le cortège, le parasol de couleur amarante qui avance au-dessus comme un drapeau. «Sidna, Sidna» murmurent mes voisins impatients. En effet, le Sultan Sidi Mohammed, hiératique sur son cheval noir, est suivi de ses Ministres et entouré de ses serviteurs noirs. Derrière ce groupe traditionnel, vêtu uniformément de blanc, il y’a la note moderne, le jeune Hassan, prince héritier, de six à sept ans, dans sa petite voiture anglaise tirée par quatre poneys noirs et blancs. Les youyou des femmes se prolongent jusqu’au moment où le Sultan disparaît dans la mosquée. Alors aussitôt, volte-face, car le Sultan ressortira avec la suite de notables par la porte du jardin du côté sud et chacun court pour arriver en bonne place. Les gardes ont fort à faire pour maintenir ce flot de burnous, mais ils sont aussi bons enfants. La prière va durer une grande demi-heure; alors, les musiciens en djelaba couleur mauve ou framboise s’accroupissent sur le sol, près de leurs gros instruments de cuivre. Ils savent ce qu’est l’attente, ils prennent leurs aises; entre la haie des gardes qui maintiennent la foule, ils forment de petits cercles, bavardent, rient… et il fait chaud sous le soleil d’automne. Le porteur d’eau aussi a tout prévu; lui, peut enfreindre la consigne et se glisser entre les gardes noirs; à l’appel de sa clochette de cuivre, le doigt sur le goulot de la peau de bouc qui pèse à son épaule, il va d’un côté à l’autre et pour un ou deux sous et souvent pour rien, car il fait ainsi œuvre pie, verse une eau claire dans le gobelet de cuivre. En cette circonstance, le guerba a mis son large tablier de cuir, baudrier paré de pièces de cuivre ou de bronze, de médailles et de boutons militaires, le tout astiqué, brillant, éclatant au soleil; le gobelet de cuivre passe de main, de bouche en bouche. Brusquement, les chevaux piaffent au «garde-à-vous». La porte de la mosquée est ouverte; le Sultan paraît sur le cheval noir, sellé de blanc, et le cortège se reforme devant et derrière lui. Le 18 novembre est en effet l’anniversaire de l’accession au trône du Sultan du Maroc, Sidi Mohammed Ben Youssef, reprise pour la première fois en 1934 d’une cérémonie ancestrale que le jeune Souverain a voulu aujourd’hui pour son compte. Donc, le 18 novembre est un jour heureux célébré dans tout le Maroc. Ce qu’il y’a de nouveau en même temps dans cette commémoration est que le Souverain ait fixé cette date du 18 novembre qui appartient au calendrier grégorien, c’est-à-dire qu’elle reviendra chaque année à pareille époque, tandis que, selon le calendrier musulman, le jour de l’anniversaire aurait dû se répéter au mois de Cha’ban, mois lunaire qui a été celui de son intronisation. Le Maroc était donc en fête et dans toutes les villes, les ruelles des souks et les kissaria étaient pavoisées, les demeures particulières avaient aux fenêtres des tapis de laine, des mouchoirs de soie et quelques drapeaux chérifiens rouges avec l’étoile verte qui est le sceau de Salomon. A quinze heures, vingt-et-un coups de canon ont été tirés dans chacune des villes maghzen. Le Sultan se trouvait à Marrakech; il y’a reçu à cette quinzième heure qui est celle de son avènement au trône, tous les notables de la ville dans son palais impérial; les souks avaient leur décoration de tapis et d’étendards, mais ici la gaieté se montre extérieurement, chanteurs et danseuses retenaient la foule indigène et d’autant plus facilement qu’une distribution de thé bouillant est faite gratuitement. La fête du trône est aussi la fête des pauvres. Il y avait une telle affluence devant la porte du Palais pour recevoir l’aumône de la part du Sultan que, lorsque les miséreux satisfaits se sont retirés, restaient à terre trois mendiants déguenillés étouffés par la foule; mais ils ont eu eux aussi leur récompense en ce jour de fête puisque Allah le Miséricordieux les a appelés à lui. Et le soir, le minaret de la koutoubia était illuminé par des feux invisibles. Puis la salve de coups de fusils tirée comme à l’ordinaire à minuit par les assès sur la place Djemaa-el-Fna a ramené les musulmans dans leur demeure.


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