Marrakech
24c
Voyage vers Marrakech : H00tel,Restaurant,Jardin Marrakech - Maroc

La Ménara dans les écrits de Mme Henriette Celarié Un Mois Au Maroc

Librairie Hachette, 1923

Née en Lorraine, Henriette Celarié commence très jeune ses voyages vers l’Espagne, l’Allemagne et l’Europe. A partir de 1920, la librairie Hachette a inauguré une collection de livres de voyages sous le titre Un mois à…….., et convie Henriette Celarié à y participer. Elle voyage vers le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Corse et l’Afrique noire et rapporte de beaux récits de voyages.

En 1923, Henriette Celarié sillonne les routes marocaines et rédige Un mois au Maroc, une sorte de guide inspiré et lyrique avec de belles illustrations de photographies, de gravures et de cartes. Elle se marie avec un officier, apprend l’arabe et s’intéresse à la vie des femmes dans les harems. Elle s’engage à défendre les femmes et dénonce les conditions insupportables qu’elles endurent. De 1926 à 1929, Henriette Celarié couvre la guerre du Rif pour le compte de la revue des Deux Mondes.

Dans son style lyrique, Henriette Celarié laisse éclater son émerveillement lors de sa visite, en 1923, des jardins de la Ménara et du pavillon.

«Marrakech, 1923.
La Ménara ! autre lieu de délices. Aussi bien, en arabe, le même mot sert à désigner le paradis d’Allah et un jardin. La large avenue de la Koutoubia conduit directement à celui-ci. Une nature heureuse s’y épanouit. On devine, dans les bosquets, des coins mystérieux et charmants; on avance comme dans un rêve enchanté ; on arrive à un immense bassin, miroir d’une limpidité parfaite. Quelques oiseaux y voguent ; par instants, on entend le bruissement de l’eau que froisse un coup d’aile. Sur cette surface transparente se reflète la clarté blonde d’un pavillon que coiffe un toit de tuiles couleur d’émeraude. De frêles colonnes soutiennent les arcades d’une loggia. On dirait d’un bibelot tout neuf. Pourtant, il remonte au temps du sultan Abd-er-raman, celui-là même qui, au début du XIXe siècle, ordonna de replanter les jardins de l’Agdal.
Comme faisaient les sultans quand ils venaient avec leurs femmes, j’ai parcouru les allées entre les parterres. La verdure des jasmins enlace le tronc des arbres; chaque oranger est une source de parfums ; les cédratiers sont lourds de fruits. Il y a des daturas aux longs cornets cireux.
J’ai pénétré dans le pavillon. Profanation ! Avec mes durs souliers de cuir, j’ai gravi l’étroit escalier où, sur les zelliges fragiles, glissaient jadis les babouches brodées des sultanes et couraient les pieds nus des esclaves. Je suis entrée dans les hautes salles aux murs simplement blanchis à la chaux, mais dont les plafonds conservent sur leurs poutres des couleurs qui demeurent éclatantes. Le nombre de nos impressions est limité ; toujours, nous voulons rapprocher ce que nous voyons de ce que nous avons déjà vu : nous tissons le présent avec le passé ! Dans ces pièces délaissées, réalisation charmante d’un songe aimable –j’évoque- et sans doute, c’est absurde- j’évoque le souvenir de Trianon. Un jour, on m’y a ouvert les pièces de la Maison du Seigneur, où personne ne pénètre plus. Tout, comme ici, y disait l’abandon, le délabrement ; tout y parlait d’une vie qui fut délicieuse.
Mais, je monte sur les terrasses qui, au faîte du pavillon superposent leur dallage de petites briques vernissées, vertes comme des lézards. Du coup, pâlissent mes impressions d’autrefois. Sachant que jamais, durant le cours des jours rapides qui me seront encore donnés, je ne reviendrai en ce lieu, je veux emplir mes yeux de la vue qu’on y a ; je veux la fixant dans ma mémoire, en garder le souvenir et qu’il m’enchante quand je serai retournée dans les brunes du Nord. Ici, tout est contraste. Au-delà de la fantaisie charmante des jardins et des eaux, c’est la dure blancheur des maisons, ce sont les larges espaces arides que, constamment, il faut traverser dans Marrakech « la poudreuse.»
A l’horizon, se profile la silhouette découpée comme à l’emporte-pièce des Djebilets aux dents acérées, d’un bleu couleur de myosotis qu’on est surpris de voir à des montagnes. Légères et aériennes, on les dirait en cristal. Si je pouvais les frapper d’un archet, elles vibreraient.»


Contactez-nous

bestmedinacom@gmail.com