Bab El khemis et Camille Mauclair Les couleurs du Maroc
Marrakech, 1932
« … et je vais jusqu'à l’entrée de la vieille porte de Bab el khemis, où s’agitent tous les types de la plaine du Haouz. Là, sur les pentes dénudées, des femmes voilées et cliquetantes de bijoux étalent des tapis, et à la monochromie rousse succède, jusqu’à éblouir, une polychromie dont la violence est presque furieuse : les grands rectangles jaunes, bleus, verts, écarlates, crient frénétiquement sous la clarté dont le feu tombe maintenant verticale et implacable du haut d’un ciel de midi. Je suis assailli par les vendeurs de sparterie, de poteries, de bagues et d’amulettes, dix fois écartés et revenant tenaces baissant à chaque fois leurs prix d’abord effrontément majorés pour duper le roumi. Je me borne à jouir de la couleur, à piétiner au milieu de tous ces gens trépidants et bariolés : certains passent graves, portant posément, et de l’air le plus naturel, un bélier couché sur leur nuque et dont ils tiennent les pattes croisées sur leur poitrine, et ils vont, revêtus de cette étole vivante et étouffante. »