« 6 et 7 Octobre 1883
Séjour à Demnât. Cette ville est le siège d’un quaïd qui gouverne la province de Demnât ; celle-ci a pour limites : au nord, le Srarna ; à l’est, les Entifa et les Aït bou oulli ; au sud, les pentes supérieurs du Grand Atlas; à l’ouest, les Gloua et les Zamrân.
Demnât est entourée d’une enceinte rectangulaire de murailles crénelées, garnies d’une banquette et flanquées de tours ; le tout est en bon état, sans brèches ni portions délabrées. Trois portes donnent entrée de la ville. La qâçba a son enceinte à part et est bordée de fossés ; ceux-ci, les seuls que j’ai vus au Maroc, ont 7 à 8 mètres de large sur 4 ou 5 de profondeur et sont en partie remplis d’eau. Au milieu de ce réduit s’élèvent la mosquée principale et la maison du qaïd. Murailles, qaçba, mosquées, maisons, toutes les constructions de la ville sont en pisé; rien n’est blanchi, sauf la demeure du qaïd et le minaret qui l’avoisine. Le reste est de la couleur brun sombre qui distingue les habitations depuis Boul et Djad. L’intérieur de l’enceinte est aux deux tiers couvert de maisons, en bon état, quoique mal bâties. Le dernier tiers est occupé partie par des cultures, partie par la place du marché : point de terrains vagues, point de ruines ; en somme, air prospère. La population est d’environ 3 000 âmes, dont 1 000 israélites; ceux-ci n’ont pas de mellah; ils habitent pêle-mêle avec les musulmans, qui les traitent avec une exceptionnelle bonté. Demnât et Sfrou sont les deux endroits du Maroc où les juifs sont les plus heureux. Il y a d’autres rapprochements à faire entre ces deux villes, dont les points de ressemblance frappent l’esprit : même situation au pied de l’Atlas, à la porte du Sahara; population égale, et composée d’une manière semblable ; prospérité presque pareille ; même genre de trafic ; même caractère doux et poli des habitants ; même ceinture d’immenses et superbes jardins. En un mot, ce que Sfrou est à Fâs, Demnât l’est à Merrâkech
Demnât est entourée de toutes parts d’admirables vergers, les plus vastes du Maroc. Au milieu d’eux sont disséminés une foule de villages se touchant presque, qui forment comme des faubourgs de la ville. Ces jardins sont renommés au loin ; leur fertilité, leur étendue, la saveur et l’abondance de leurs fruits, les excellents raisins qui s’y récoltent sont légendaires.»