Zaouia de Sidi Bel Abbés
Zaouia Sidi Bel Abbès compte parmi des monuments emblématiques de Marrakech depuis des siècles. Des récits confirment l’importance de zaouia Sidi Bel Abbès dans la pensée populaire et surtout le rôle qu’elle joue dans la vie sociale de la Médina.
La vie de sidi Bel Abbès
Sidi Bel Abbès es Sebti naquit en 1130 à Sebta, ville en plein essor, premier port marocain sur le plan commercial et militaire. Profitant de sa proximité de l’Andalousie musulmane, Sebta s’imposa comme l’un des principaux foyers culturels. Sidi Bel Abbès grandit dans ce climat exceptionnel de cité des sciences, cependant, la mort de son père, alors qu’il avait dix ans, l’obligea à arrêter ses études pour travailler chez un tisserand. Supportant mal sa nouvelle condition, il fuit l’atelier pour retrouver le cercle d’études du maître Mohammed Al Fakhar. Son intelligence exceptionnelle fût vite remarquée par le maître qui décida de le prendre en charge et de subvenir aux besoins de sa famille. L’enfant prodige s’intéressa à des questions existentielles et d’ordre philosophique, Sidi Bel Abbès eût de longues discutions avec son maître autour d’un verset coranique « Dieu ordonne la justice et la charité », sa vocation était tracée et ce verset lui servit à vie de principale devise. Un jour, le maître mit ses élèves à l’épreuve : « Voici des oiseaux et des couteaux, Allez les égorger à l’abri de tout regard » dit-il à ses élèves. Sidi Bel Abbès revint avec l’oiseau vivant à sa main. « Dieu est partout » répondit-il au maître, « et je n’ai donc pas pu égorger l’oiseau.» La personnalité du jeune homme et son initiation mystique s’accomplie sous l’assistance du maître. Sidi Bel Abbès exprima une soif ardente de Dieu et se passionna pour le concept Soufi « At Tawakoul » (Abandon total à la volonté divine), voulut en percer le mystère et surtout le vivre. Il exprima son intention de se rendre à Marrakech, le Maroc était alors à feu et à sang, les armées Almohades réduisaient les dernières poches de résistance Almoravide, quant à Marrakech, elle était soumise à un implacable siège et vivait un début de famine. En dépit de tous ces dangers, le Maître Al-Fakhar, ayant pressenti la prédestination prophétique du jeune Sidi Bel Abbès, l’autorisa à s’y rendre.
A 16ans, le novice part à la quête de Dieu, sur un chemin périlleux jalonné d'embuches, mais aussi de signes d'élection. «…Et je pris la route me confiant à Dieu. Je marchais toute la journée, épuisé par la faim et la fatigue. Pourtant, j'avais grandi dans la douceur de la vie et il ne m'était jamais arrivé (jusqu'à ce jour) de marcher à pied…»
((traduction du passage empruntée à F.Faure), dans un article de Halima Ferhat et Hamid Triki, paru dans le mémorial du Maroc).
C'était en 1146, le Maroc était parcouru par les troupes Almohades, chassant de partout les Almoravides, et infligeant d'impitoyables représailles contre les citadelles ayant opposé une résistance. Le jeune Sidi Bel Abbès, dont la devise définitive sera la charité et l'amour de Dieu poursuit sa marche vers Marrakech, jalonnant son itinéraire de gestes confirmant ses signes d'élection. Une autre épreuve de taille l'attendait aux portes de Marrakech; le terrible siège de Marrakech qui n'allait prendre fin qu'en mars 1147 après la reddition de la ville.
La retraite au Jebel Guéliz
Les horreurs de la guerre ne pouvait laisser indifférent le jeune homme sensible et à l'âme charitable, il choisit un lieu de retraite au Jebel Guéliz, et évitera de s'installer à Marrakech 39 ans après la prise de la ville par les Almohades. Ayant fait de la défense des démunis sa première cause, Sidi Bel Abbès s'adressa ainsi au grand vainqueur Almohade Abdelmoumen « Tout ce que tu veux qu'on te fasse pour toi, fais le pour tes sujets». En 1186, Sidi Bel Abbès décida de s'installer à Marrakech sur invitation du souverain Almohade Yacoub el Mansour, entreprit de rappeler à la population leur obligation envers Dieu et réserva sa vie à s'occuper des nécessiteux et plus particulièrement des aveugles. Des sept sains de Marrakech, Sidi Bel Abbès est le plus populaire, celui à qui on dédie le premier fruit du travail de la journée, celui à qui les sultans qui rentrent à Marrakech font leur première visite.
Zaouia de Sidi Bel Abbés à travers les siècles
Sidi Bel Abbès s'éteint en 1205, auréolé de son vivant par la «Vox populi», sa tombe à Bab Taghzout fait l'objet d'un culte qui ne fait que croitre avec le temps. Invoqués par les riches et les pauvres, les voyants et les aveugles, les puissants seigneurs qui visitent Marrakech mais aussi d'illustres personnages dans l'exil ou tombés en disgrâce. Nombre de personnages illustres se sont rendus à zaouia Sidi Bel Abbès, le prince de Grenade, Mohammed V l'invoque dans une élégie émouvante, le grand Faqih de Tombouctou Ahmed Baba, en exil à Marrakech, hanta la Zaouia à la fin du 16ème siècle.
Le rayonnement de zaouia Sidi Bel Abbès au 14ème siècle est décrit par Lissan Ad dine Ibn Al Khatib en ces termes : «En effet, au Maroc, ce mausolée a des revenus qu'on ne peut chiffrer…L'or et l'argent y coulent. Les pauvres, tels des oiseaux, y accourent affamés et s'en retournent satisfaits». Quatre siècles après sa mort, le sultan Saadien Abou Faris atteint d'épilepsie ordonna la reconstruction de zaouia Sidi Bel Abbès et la construction d'une mosquée adossée à la zaouia. En 1720, le sultan Alaouite Moulay Ismaïl fait ériger une coupole au dessus de la tombe de Sidi Bel Abbès, Sidi Mohammed ben Abdellah, qui choisit Marrakech comme capitale, ordonna, en 1756, la restauration de la medersa et la zaouia Sidi Bel Abbès, puis, en 1769, la construction d'une fontaine monumentale en face de la porte de la zaouia, donnant aux lieux l'aspect qu'on leur connaît aujourd'hui. Plusieurs sultans alaouites, se succédèrent à apporter une touche dans la décoration et l'embellissement dont les dernières date de 1980 sous le règne de Hassan II et celles entreprise sous le règne de Mohammed VI.
De nombreux miracles sont attribués à Sidi Bel Abbès, nous en citons celui du prince de Grenade. Au 15ème siècle, l'émir de Grenade Mohammed V el Chani, exilé à Fès, rendit visite au sanctuaire de Sidi Bel Abbès, accompagné de ses vizirs, Lissandine Ibn al Khateb et Ibn Zamrak. L'émir Nasride avait commandé un poème à Ibn el Khateb dédié au saint patron de la ville pour implorer Dieu de lui restituer son trône. Son veux fût exhaussé !
La zaouia de Sidi Bel Abbès aujourd’hui
La zaouia continue de rayonner de nos jours avec tant d\'éclat, 2000 aveugles et nécessiteux recouvert chaque dernier samedi du mois une allocation variant de 50 à 200 Dhs.